La découverte du chawarma par les Kinois fait le bonheur des restaurateurs libanais. Cela dans la mesure où le produit se vend à 2,5 dollars américains. Quand on se fie à l'engouement constaté dans les restaurants libanais, il y a lieu de déduire qu’il rapporte gros. Certaines estimations avancent le chiffre de plus de 1000 dollars américains par jour. Nous avons tenté de tirer des vers du nez d'un Libanais, comptable dans un restaurant très prisé sur le Boulevard du 30-Juin à Kinshasa, pour en savoir quelque chose. Comme on peut le constater, la question relevant d'un top secret commercial, notre interlocuteur s'est illustré par un silence qui en a dit long. Mais le nombre de clients trouvé dans le restaurant a été révélateur.
Il revient à certains observateurs de constater que parallèlement au chawarma, il existe une autre recette qui attire les Kinois. Il s'agit de la brochette, portant la touche spéciale des sujets
Ouest-africains. Le quartier Matonge dans la commune de Kalamu qui passe pour la " capitale " des brochettes, connait elle aussi, une affluence considérable des Kinois qui, visiblement, ne jurent
que par ces morceaux de viandes brochés et aromatisées.
Outre le chawarma et la brochette, les Kinois sont aussi friands de " Ya Jean ". Il s'agit des hachis de viandes épicés, emballés dans un sachet. Celui-ci étant à son tour emballé dans un papier
ayant servi d'emballage au lait en poudre. Les jouisseurs fréquentant les bars et terrasses de Bon Marché, dans la commune de Barumbu, se rappelleront sans doute ce menu très prisé que leur
offrent des ressortissants ouest-africains.
Plus qu'une interpellation pour les Congolais
Qu'il s'agisse du chawarma, de la brochette ou de " Ya Jean ", les réalités doivent interpeller les Congolais. Pourquoi les Congolais ne peuvent-ils pas assimiler cette leçon modèle que leur
donnent les expatriés ? Certaines personnes diraient que les Congolais ne disposent pas de moyens. Mais, ils en trouvent quand même pour dépenser dans la boisson. Certes, la cuisson du chawarma
exige un art particulier. Mais qu'en est-est-il de la brochette et de " Ya Jean " ?
La plupart de ces cuisiniers sont des expatriés qui arrivent à Kinshasa sans
ressources financières sures. Avec un petit capital, ces sujets pour la plupart Ouest africains, parviennent à s'organiser. Et, au bout de quelques mois seulement de vente de brochettes, ces
Ouest-africains, au départ sans capital sécurisé, finissent par devenir des patrons. Ne pouvant plus travailler seuls, ils engagent des Congolais qui leur prête main forte au grill. D'autres,
recourent carrément à leurs compatriotes qu'ils font venir à Kinshasa. Non pas pour chercher un quelconque emploi rémunérateur (du reste difficile pour les nationaux), plutôt pour travailler dans
cette " industrie de brochette" sénégalaise, malienne ou guinéenne transplantée en RD Congo. Plus précisément dans les communes kinoises de Kasa-Vubu, Kalamu, Lingwala, Barumbu et
Kinshasa…considérées comme les quartiers généraux des Ouestafs.
Face à cet engouement, la question serait de savoir si le Congolais en général et le Kinois en particulier, a le sens d'entreprenariat. Libre à chacun d'y répondre. Seulement, les rangs des
Kinois devant les femmes sénégalaises vendeuses des brochettes à Matonge, suffisent pour en tirer des conséquences logiques.
Les Kinois auraient peut-être des excuses si la viande de bœuf, les ingrédients (piment et tranche d'oignon) utilisés et la braise servant à griller ces brochettes, provenaient du Sénégal, du
Mali ou de Guinée. Mais, dès lors que ces brochettes sont de la viande de bœuf achetée et vendue à Kinshasa, il y a donc toutes les raisons pour les Kinois de procéder à un examen de conscience
sans complaisance. Certaines personnes pensent que les Kinois ont une tout autre conception du travail. Celui limité dans les rapports employeur-employé, mettant de côté le secteur primaire.
Lorsqu'une population se nourrit des produits surgelés et autres denrées alimentaires importés, alors que la même population vit dans un air géographique entouré des cours d'eau poissonneux et
sur un sol hyper fertile, il y a de quoi se poser mille et une question.
Laurel Kankole