Selon une étude de l’américain Theodore Trefon
Clientélisme et pillage:
causes de l’instabilité de la RDC
Par Le Potentiel
Au moment où l’on examine le projet du Budget 2010 à l’Assemblée nationale, la situation en République démocratique du Congo est
passée au peigne fin dans certaines capitales occidentales. Selon les premiers éléments en notre possession, la gestion des mines, la mauvaise utilisation des ressources financières et la
corruption sont en train de porter un coup du à l’Opération « Tolérance zéro » décidée par le Président de la république Joseph Kabila, retardant également la mise en oeuvre des réformes de
l’Etat.
Bien plus, au terme d’une étude rendue publique et élaborée par l’américain Theodore Trefon, celui-ci affirme que « le clientélisme, le pillage des ressources de l’Etat et l’appauvrissement de la population » sont les principaux maux qui éloignent la refondation de l’Etat congolais.
Dans son édition du lundi 12 octobre 2009, numéro 580, Africa Confidential, Edition française, publie un article sur la République démocratique du Congo, avec comme intitulé « Congo-Kinshasa : mines, dollars et corruption ». Si cet article s’attarde sur la mauvaise gestion du secteur minier, la situation désastreuse à la Gecamines qui a conduit à la démission de Paul Fortin, alors administrateur délégué général de cette société minière, il ouvre une parenthèse sur la corruption. Phénomène caractérisé par l’évasion fiscale estimée en millions de dollars, la contrebande, la signature des contrats léonins soutenus par des erreurs comptables. Cet article fait également allusion à une étude menée sur la République démocratique du Congo.
Cette étude a été confiée à un américain, Théodore Trefon, travaillant pour le compte de Belgian Reference Centre for expertise for
Central africa, installé à Teverun, en Belgique. Il s’agit d’un centre de recherche pour l’expertise en Afrique centrale. A en croire les affirmations de cette étude, « la perpétuation du système clientéliste de l’ère Mobutu, le pillage des ressources de l’Etat et l’appauvrissement de la population » ont eu une incidence négative sur les
réformes qui ont bénéficié d’un appui international. Des maux qui n’ont apporté aucune amélioration durable. « Elles (Ndlr : Réformes) ont au contraire favorisé la fuite des capitaux et la vente
frauduleuse d’avoirs publics ».
Cette situation, souligne cette étude, serait même à la base de l’insécurité observée dans la partie orientale de la RDC. Insécurité entretenue par la LRA et les FDLR.
Pauvreté et démocratisation
L’étude de Theodore Trefon est catégorique : « Les réformes macro - économiques destinées à limiter la pauvreté n’ont eu aucun effet
pour les Congolais ». L’étude s’appuie sur les statistiques de la FAO qui relèvent qu’au moins 17% de la population congolaise souffrent de malnutrition.
Bien plus, les bailleurs de fonds, toujours selon cette étude, ont aggravé la situation avec leurs exigences. Ainsi, la Communauté
internationale ne dispose « d’aucun plan d’ensemble ». Certains veulent mettre leurs contributions en commun pendant que d’autres supervisent la façon dont leurs fonds sont dépensés. Et
d’affirmer que devant cette situation, « leurs partenaires congolais se permettent de jouer la division ».
Dans le chapitre réservé au Code forestier, Theodore Trefon parle d’un échec. Il s’agit du code
canadien qui a échoué en 1994 au Cameroun. En RDC, les ressources financières se sont finalement retrouvées entre les mêmes mains pour autant que le processus n’a pas été transparent. Même
observation pour la revisitation des contrats miniers débutée depuis 2007 et pas toujours achevée. Citant Louis Michel, alors commissaire européen au Développement et à l’Aide humanitaire,
lequel aurait affirmé que cette revisitation a lancé « une nouvelle dynamique de la corruption ». De la corruption l’étude souligne qu’elle est pratiquée à
« tous le niveaux et est devenue un mode de vie et une source de développement à sa façon puisque les fonctionnaires se font payer pour des services privés ».
A propos des réformes, Theodore Trefon parle de la mascarade. « Le Congo, dit-il, n’a besoin de financement extérieurs que parce qu’il
ne fait pas un usage approprié de ses propres ressources, y compris son potentiel hydroélectrique. La démocratisation, également financée par l’étranger, est, elle aussi, une mascarade…
»
Il est vrai que cette étude qui a été présentée auparavant le 17 septembre en présence du ministre belge des Affaires étrangères, Yves
Leterne, avait provoqué une réaction de l’ambassadeur de la RDC à Bruxelles, Henri Mova Sakanyi. Le diplomate congolais avait présenté d’autres chiffres et affirmé qu’il y avait « amélioration en
matière de sécurité, de développement et de rétablissement de l’Etat ».
Toutefois,Theodore Trefon relève que de nombreuses sociétés minières partagent les conclusions de
cette étude. Elles soulignent qu’elles ont « difficile à travailler avec le gouvernement », ce qui constitue une mauvaise publicité pour le climat des affaires, citant ainsi le cas de
Kingamayambo Musonoi Tallings, société qui relève d’une autre entreprise minière First Quantun Minerals. Le tout tournerait autour d’une affaire des « royalties ». Cette société a donc été
obligée d’interrompre la construction de son usine, en attendant l’aboutissement des négociations en cours.
Causes endogènes et exogènes
Cette étude a le mérite de toucher le fond du problème qui gène le développement de la RDC. Elle évoque des causes réelles, dénoncées
déjà par le président de la république dans son message à la nation. Il s’agit de l’indiscipline, de l’intolérance, de la gabegie financière, de la concussion et de la corruption. Théodore Trefon
n’a rien inventé.
Ces fléaux, disait le chef de l’Etat, sont susceptibles de perturber le vaste programme de développement du pays. Aussi, au moment où les députés examinent le projet du Budget 2010, cette étude est une véritable interpellation pour qu’ils fassent preuve de haute responsabilité , loin de toute passion politicienne.
Il est vrai que cette étude met aussi à nu les causes exogènes qui freinent la refondation de l’Etat
congolais. Notamment la part des partenaires extérieurs. Obsédés par leurs propres intérêts, ils brillent par des exigences déstabilisatrices et des propositions qui ne prennent jamais en compte
des réalités congolaises pour des réformes réussies. Voilà qui explique ce retard constaté dans le processus de la réforme de l’Armée, de la Police et de l’Administration publique. Ils imposent
leur vision, manipulent la classe politique en entretenant les fléaux cités ci-haut.
Le moment est crucial. Les députés n’ont pas droit à l’erreur pour sauver ce pays.
Le potentiel