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Au commencement de la crise de la région des Grands Lacs était l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL), responsable de plus de six (6) millions de morts
enregistrés dans l’Est de la RDC. Toutes les rébellions qui se sont succédé à l’Est ont été créées sur ses cendres. La déroute du M23 annonce cependant la fin d’une époque ; celle en vigueur depuis la débâcle du régime Mobutu, le 17 mai 1997. Les pourparlers de Kampala, censés délivrer le certificat de
décès du M23, consacrent la fin de ce qui n’a été qu’un « conglomérat d’opportunistes et d’aventuriers ». Aux dirigeants de la région de bien lire les signes de temps et d’en tirer la
leçon.
La fin justifiant les moyens, l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) a mis fin, le 17 mai 1997, à 32 ans de règne de Mobutu. Mais, « chassez le naturel, il revient
au galop », prévient un autre adage. Car l’arrivée de l’AFDL a ouvert la voie à l’éclosion d’une série de rébellions dans la région des Grands Lacs, et ce, jusqu’à la création, en avril 2012, du
Mouvement du 23 mars (M23), né, comme d’autres auparavant, sur les cendres de l’AFDL.
L’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo a survécu jusqu’à ce que le M23 connaisse un revers dans sa dernière aventure militaire. La déroute imposée aux éléments du M23
consacre donc la fin d’une époque - celle de l’AFDL. C’est aussi un message fort adressé aux dirigeants de la région en vue de s’ajuster à la nouvelle dynamique.
Remonter dans le temps
Une coalition multinationale, avec des ramifications loin du continent, avait vu le jour pour faire partir le maréchal Mobutu, considéré comme l’incarnation du mal dans la sous-région. L’ancien
président congolais, fort de soutiens massifs à l’époque de la Guerre froide, trouvait un vilain plaisir à déstabiliser ses voisins. L’Ouganda, le Rwanda, le Burundi…ont régulièrement vu des
régimes changés, par la seule volonté de Mobutu.
L’Angola, en ce qui le concerne, a fait face, durant des années, à l’hostilité du régime de Kinshasa, qui apportait son soutien à la rébellion de l’Unita de Jonas Savimbi. Face à cette situation,
l’Occident avait levé l’option de lâcher son ancien protégé.
Une conjugaison des facteurs avait permis de faire coïncider l’agenda des puissances planétaires avec celui des pays voisins et des Congolais eux-mêmes, fatigués par le pouvoir autocratique du
président Mobutu. D’où, a germé l’idée de former l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo, AFDL, sous l’instigation du président américain Bill Clinton. L’ensemble des pays
voisins, voire des mercenaires recrutés de l’Erythrée, ont adhéré à l’initiative, apportant du renfort aux armées rwandaise, ougandaise et burundaise.
Les multinationales, dans leur détermination à contrôler les sources des matières premières, à les acquérir à vil prix, ont mis la main à la caisse pour la réussite de l’opération. Comme dans du
beurre, les troupes de cette coalition ont marché jusqu’à Kinshasa sans aucune entrave. L’Angola qui est intervenu en dernier lieu, a donné le coup d’estocade au régime agonisant du président
Mobutu. Une victoire saluée à travers la planète entière.
A Kinshasa, un régime hybride avait été installé. Laurent- Désiré Kabila s’est autoproclamé président de la République. Kigali a maintenu sa présence, en confiant le poste de chef d’état-major de
l’armée à James Kabarebe, l’actuel ministre de la Défense du Rwanda, présenté comme sujet congolais.
L’agenda de M’Zee a pris le dessus d’autant plus que les Rwandais s’étaient éloignés de leur base arrière de plusieurs kilomètres. Et les Congolais ont estimé avoir payé le prix le plus fort par
la présence des éléments étrangers dans le contrôle de l’appareil sécuritaire du pays. Cet état des choses devrait s’arrêter. C’en était trop avec les brimades et l’arrogance des «
pseudo-libérateurs », prédateurs patentés des ressources naturelles congolaises.
RCD, le cheval de Troie
Décidé à se prendre en charge, Laurent-Désiré Kabila a invité les Rwandais à rentrer chez eux. Conséquence, le 2 août 1998, le chef d’état-major des Forces armées congolaises de l’époque, a
organisé une expédition armée jusqu’à Kitona. Se croyant tout permis, la survivance de l’AFDL, avec le noyau dur constitué de Rwandais et Ougandais, a remis en scène l’AFDL sous une nouvelle
dénomination : Rassemblement congolais pour la démocratie, RCD.
Poussé par la communauté internationale, le RCD s’est battu, bec et ongles, avec le MLC pour intégrer les institutions de la République, lors du dialogue de Sun City. Afin d’assurer une présence
active et permanente au sein des instances décisionnelles, le RCD a fait des mains et des pieds pour prendre le contrôle du compartiment gouvernemental en charge de la défense et de la sécurité.
C’est sous sa responsabilité que les opérations de brassage, mixage et intégration des forces en présence avaient été menées.
Les éléments de l’armée patriotique rwandaise ont été intégrés, au plus haut niveau, au sein de l’armée congolaise. Ainsi, Laurent Nkunda avait reçu pour mission de maintenir la pression,
d’autant plus que le désaveu de tous ceux qui arboraient les couleurs du RCD était patent. Ayant réussi un maximum d’infiltration au sein des institutions congolaises, particulièrement l’armée,
le RCD a démontré ses limites aux yeux des parrains.
Aussi, Laurent Nkunda avait-il été appelé à la rescousse, en activant le CNDP, le petit-fils de l’AFDL, en vue de permettre l’infiltration complète des éléments restants de l’AFDL au sein de
l’armée. Nommé général au sein des FARDC, il a daigné rejoindre son poste d’attache. N’ayant pas, certainement, flairé le danger, la partie congolaise est tombée encore une fois dans le piège.
L’acceptation d’un énième accord avec les éléments rwandais a offert à l’AFDL de poursuivre son entreprise de prédation. De la même manière que James Kabarebe, des officiers rwandais ont ainsi
occupé des postes les plus prestigieux au sein des forces armées et du secteur de la sécurité. Ceux-là mêmes qui avaient œuvré dans les rangs de l’AFDL, de triste mémoire, ont enfilé le treillis
du RCD, puis du CNDP, enfin du M23.
Opérant pour le compte du parrain rwandais, la RDC ne pouvait réussir quoi que ce soit contre l’instigateur de l’insécurité dans la partie orientale du pays. C’est pour cette raison que, depuis
1997, l’armée congolaise n’a pu gagner une seule bataille.
Lorsque les stratégies sont montées par Kinshasa le matin, à la minute Kigali est informé et met en place les contre-stratégies. Pire, lorsque l’ordre de décrochage est donné, les éléments du
cheval de Troie l’organisent de manière désordonnée au point de favoriser les pillages, les viols…
M23, la goutte qui fait déborder le vase
La plus grave erreur commise par Kigali et Kampala était de croire que les Congolais ne tireraient point les leçons du passé. Qu’ils se comporteraient de la même manière. De croire aussi que la
communauté internationale suivrait indéfiniment et aveuglement la voie tracée par le clan Clinton. C’était aussi une ignorance flagrante de la vision d’Obama, pour qui la sécurité des Etats-Unis
passe par celle de l’extinction de tous les foyers potentiels de tension à travers la planète. L’approche de l’administration Obama étant radicalement différente de ses prédécesseurs, Kigali et
Kampala n’ont pu saisir la quintessence de cette évolution.
Sans se soucier de conséquences prévisibles, ils ont monté, entretenu, fourni en hommes et armes le M23. Ils avaient un contrôle si évident sur ce mouvement que les Nations unies, à travers ses
experts, n’ont pas éprouvé de la peine à découvrir le pot aux roses. La diplomatie congolaise a eu ainsi une tâche facilitée dans son offensive. Tout était devenu clair !
Poussant son intelligence jusqu’aux limites, les plus insoupçonnées, Kinshasa a accepté de laisser à Kampala le soin de jouer au médiateur dans les pourparlers avec le M23 sous l’égide de la
Communauté internationale des Etats de Grands Lacs, CIRGL. Là aussi, Kampala s’est dévoilé dans son jeu de « juge et partie ». Museveni a pris faits et causes pour les filleuls du M23, dans la
manière de les conduire et de les conclure.
Cette goutte d’eau du M23 a fait déborder le vase au point qu’il ne restait plus que de donner le coup d’estocade à l’AFDL. Kampala est ainsi devenu le Waterloo de l’AFDL, là même où ce mouvement
d’opportunistes et d’aventuriers avait été conçu. Ainsi qu’il le témoigne, Museveni est le concepteur de l’AFDL. Il ne se cache pas d’avoir recruté différentes personnalités qui ont fait partie
de cette coalition. D’ailleurs, Laurent-Désiré Kabila n’avait-il pas été reçu d’abord à Kampala avant de prendre langue avec Kigali ?
Tournée dans l’Est, un message
Joseph Kabila, qui connaît ce pan de l’histoire du pays, vient de frapper au cœur du système mis en place par l’AFDL. En effet, sa tournée sur 1 000 kilomètres par route est un message clair
adressé aux agresseurs et leurs parrains. Désormais, l’AFDL et tous ceux qui ont été infiltrés dans les rouages de l’appareil étatique, ont été démasqués et mis hors d’état de nuire. Ayant
récupéré, grâce à la stratégie de haute sagesse du chef de l’Etat, le contrôle de l’armée et des services de sécurité, les Congolais ont la certitude de ne plus subir le diktat des voisins
rwandais et ougandais.
En parcourant les mille kilomètres séparant Kisangani de Goma, les agresseurs savent que les Congolais ont amorcé le processus de reprise en main de leur pays dans toutes ses dimensions.
L’histoire reconnaîtra donc à Kabila, d’avoir coupé le cordon ombilical avec l’AFDL, avec le soutien de tous les Congolais dans une démarche qui a pris, certes, du temps, mais qui a abouti à la
satisfaction de la nation entière. La fin ne justifie-t-il pas les moyens ?
Justice impérative
Même si la Cour pénale internationale traîne à se prononcer sur le drame congolais, l’envoyé spécial d’Obama lève un pan de voile. L’émissaire des Etats-Unis pour la région de Grands Lacs, Russ
Feingold, aurait déclaré s’attendre à ce que les pourparlers en cours à Kampala conduisent dans les prochains jours à un accord dans lequel la rébellion du M23 était dissoute. Il va plus loin
jusqu’à exiger que les ténors soient poursuivis par la justice nationale et/ou internationale.
Russ Feingold serait-il cette bête noire que le facilitateur ougandais, Crispus Kiyonga qualifie de « main invisible qui a fait capoter les pourparlers de Kampala ? » Qu’à cela ne tienne, la
justice devient donc impérative au point qu’un accord de quelque nature que ce soit ne pourrait couvrir les auteurs des crimes commis dans l’Est de la RDC.
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