FRICAINE ET INTERNATIONALE. Mis à jour le lundi 30-12-2013 - 20H35PAR: LE POTENTIEL
Kinshasa dans le noir, déficit en électricité sans cesse croissant…
Transformée en société commerciale, la Société nationale d’électricité (Snel) peine à prendre ses marques. Plombée par des combines et des stratagèmes de corruption, la desserte en
électricité est reléguée au second plan. Le mal est profond au point que cela n’émeut personne. En cette fin d’année 2013, la Snel a étalé au grand jour son incapacité à offrir un service de
qualité à ses abonnés. Convoitée par tous et en même temps sevrée par les dirigeants politiques, la descente aux enfers se précise. Combines et corruption font ménage.
La fête de la Nativité a été célébrée à Kinshasa, capitale de la RDC, et ses environs dans le noir. Décidément, la Saint Sylvestre ne devait pas faire exception. Sans doute, le passage à l’année
2014 n’échappera pas à cette triste réalité. Dans le calvaire que vivent les Kinois, le responsable est connu. C’est l’opérateur public en charge de l’électricité, la Société nationale
d’électricité (SNEL). Seul opérateur en RDC, la Snel jouit d’un monopole absolu dans le secteur. Elle a, à cet effet, la charge de la production, du transport et de la distribution du courant
électrique sur l’ensemble du territoire national.
Mais, depuis quelque temps, la Snel bat de l’aile. Elle présente de graves signes d’essoufflement. La couverture du réseau n’est pas sa préoccupation. Efficacité et efficience, la Snel ne
connaît. Du site d’Inga dans le Bas-Congo, où est concentré l’essentiel de la production destinée à la ville de Kinshasa, aux industries du Katanga jusqu’au réseau de distribution, en passant par
la vieille ligne de transport Inga-Kinshasa, l’incapacité de la Snel s’étale au grand jour. Le mal est tellement profond qu’en termes de rendement, la Snel n’est plus que l’ombre d’elle-même.
Des diagnostics ont succédé aux voies de sortie sans que l’Etat actionnaire arrive à sortir l’entreprise du gouffre. Curieusement, toutes ces initiatives sont restées lettres mortes. Cela a duré
jusqu’ à la dernière thérapie proposée par le gouvernement, après avis de la Banque mondiale, à savoir la transformation de l’entreprise en une société commerciale. Entièrement détenue par l’Etat
congolais !
Mais, c’était sans compter avec des impondérables structurels. Lancé en fanfare, le processus de transformation de la Snel en société commerciale a fini par révéler ses limites. Tel un cancer, le
degré de dégradation de la Snel est en voie d’atteindre la métastase. A moins que l’on mette en place un plan volontariste de la relance de cette unité de production. Or, cela dépend de la
volonté politique, presqu’inexistante à ce jour.
DES PROJETS COMBATTUS POUR RIEN
En réalité, la Snel est minée depuis de nombreuses décennies. L’image de sa gestion calamiteuse est reflétée par la qualité de la desserte en électricité. Tous les audits menés à la Snel sont
formels sur un point : la déconfiture de la Snel est d’ordre managérial. Il y a un déficit endémique de gestion. La Banque africaine de développement s’était dit estomaquée par la manière avec
laquelle la Snel commercialise son produit.
Les différents managements qui se sont succédé dans l’entreprise ont, en lieu et place de baliser la voie de la relance, plus brillé par un amateurisme inhérent. Cela pour des besoins de
prédation. Les cartes sont volontairement brouillées. Les bons engagements sont combattus au profit de ceux juteux pour les dirigeants et leurs parrains. Les ratés successifs des projets engagés
au niveau tant du site d’Inga que du réseau de distribution, sont révélateurs du mal qui ronge la Snel.
On peut se permettre, après recul, d’évoquer le dossier MagEnergy qui avait fait couler encre et salive, jusqu’à diviser les institutions de la République, à savoir le gouvernement, l’Assemblée
nationale, sans oublier le comité de gestion de la Snel. Si la sagesse de la commission ad hoc avait été suivie, la RDC s’en serait tirée avec au moins quatre turbines déjà réhabilitées à Inga
II. A ce jour, le seul turboalternateur en état de fonctionnement normal est le G23 réhabilité avec le concours de MagEnergy pour près de 30 millions USD. Alors que ce groupe de 172 mégawatts a
coûté à la Snel et à MagEnergy environs 30 millions USD ; le même travail, pour des groupes de moindre puissance engloutissent le même montant. On tombe à la renverse !
Plus flagrant, la réhabilitation des groupes 11 et 15 par Elecnor (Voït) reviendrait à 60 millions d’euros, soit « la modique somme » de 30 millions euros par groupe ! Une roue, selon des
recherches s’acquiert à près de 1,5 million d’euros alors qu’un alternateur neuf s’achète à 2 millions d’euros. En y ajoutant les prestations, un précédent sous-traitant de la SNEL a réalisé le
travail similaire pour 25 millions d’euros. Bien que le chiffre ait été gonflé à souhait, la Snel avait la possibilité d’épargner au minimum 6 millions d’euros, en renvoyant « Voït/Elecnor ».
« En réalité, des économies de l’ordre de 10 millions devraient se réaliser dans ce seul marché », confie un expert congolais crédible du secteur. Avec 10 millions d’euros, la Snel est en mesure
de résoudre de nombreux problèmes.
Selon des statistiques, le taux de desserte en électricité en RDC serait passé de 6 à 9%. Dans les milieux urbains, les estimations officielles avoisineraient 20%. Ces prétentions statistiques
sont d’ailleurs sujettes à caution d’autant plus que leur fiabilité n’est pas certaine. Pour les experts, ce taux est « le rapport entre le nombre de populations vivant dans toutes les localités
électrifiées et le nombre de la population totale du pays ». Présentement, tout indique que ce score ne serait plus tenu. La desserte en électricité a connu une chute vertigineuse suite au manque
d’anticipation.
Pour ne prendre que la ville de Kinshasa, il n’y a aucune commune qui soit épargnée par le délestage. Des quartiers autrefois pourvus en électricité 24h/24 ont fini par allonger la liste des
poches noires. Ainsi, les communes administrative et industrielle de Gombe et de Limete n’échappent plus à la règle. Pendant ce temps, à la Snel, les bonnes intentions affluent. Ses
dirigeants n’arrêtent pas de promettre des jours meilleurs. « Mais, avec quel management », s’interroge-t-on ?
En réalité, la Snel paie aujourd’hui des interférences politiques qui l’ont finalement dépouillée de son âme. Des décisions irrationnelles et inadéquates, en réalité sous-tendues par un marketing
politique, ont été prises et se poursuivent sans tenir compte des urgences de l’entreprise. Politisée à outrance, la descente aux enfers de la Snel paraissait, de ce point de vue,
presqu’inévitable.
Mû par le zèle du début, le nouvel administrateur délégué général de la Snel, Eric Mbala, avait promis, lors d’une allocution en 2012, d’inverser la tendance. Il avait, à ce propos, décliné
un calendrier qui alignait une série d’actions susceptibles d’apporter un souffle nouveau au sein de l’entreprise puisque ayant donné l’impression de tourner la page de la politicaille du comité
Yengo-Tokwahulu. Erreur ! Une année après, où en sommes-nous ? Nulle part, en tout cas. Loin d’apporter une embellie, les promesses d’Eric Mbala ont fondu comme glace au soleil.
Sans aucun doute, la rengaine de la construction de Zongo II sera embouchée pour justifier le bilan actuel. La question de l’étiage pourrait-elle justifier, une fois de plus, la calamité
actuellement vécue par les Kinois en particulier et tous les Congolais, en général ? Et à Inga II où des fissures et affaissements sont redoutés, sans que l’on prenne le courage de l’affronter en
vue d’éviter le pire un jour ?
Bien avant qu’on ne fasse le point du bilan macabre de la Snel, des experts du secteur avaient déjà prédit la chute. Ils avaient, à maintes reprises, relevé l’inadéquation des actions
retenues dans le plan de relance de la Snel. A côté des mesures que certains observateurs avaient qualifié d’utiles pour le fonctionnement d’une entreprise de distribution de l’électricité, des
experts ont cependant préconisé des mesures à la fois courageuses et audacieuses prenant en compte les trois grands compartiments de la Snel, à savoir la production, le transport et la
distribution du courant électrique.
La situation de la Snel est catastrophique. C’est le moins que l’on puisse dire. Il faut une cure de cheval pour remettre sur pied cette entreprise qui se meurt à petit feu. Tout dépend cependant
de l’attitude de l’Etat-actionnaire. Le changement intempestif des mandataires a démontré ses limites qu’il n’est pas la solution tant que le système baigne dans une logique de prédation,
indécrottable.
Pour aborder avec succès ce défi, il faut au préalable mettre l’entreprise à l’abri de toute interférence politique. Car, la restructuration et la relance de la Snel supposent de gros moyens
financiers, dans un premier temps. Dans un deuxième temps, cela exige de mettre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Il faut à la Snel des intrépides gestionnaires pétris de patriotisme et
de témérité managériale. Sans cela, l’entreprise baignera dans les combines et la corruption, la Snel sombrera à jamais. Et adieu le pari de redressement.
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