Des forces de l'ordre burundaises, le 26 septembre 2013 à Bujumbura | AFP | Esdras Ndikumana
De violents affrontements ont opposé mardi les forces de l'ordre burundaises à un groupe armé non identifié en provenance de République démocratique du Congo (RDC), nouveau signe de tensions croissantes à six mois de l'élection présidentielle dans le petit pays d'Afrique des Grands Lacs.
Selon Anselme Nsabimana, le gouverneur de la province de Cibitoke où se sont déroulés les affrontements jusqu'en fin d'après-midi à une cinquantaine de km au nord de la capitale Bujumbura, 14 combattants ont été tués avant que le groupe ne prenne la fuite dans les "vallées du coin". Les forces de l'ordre n'ont selon lui essuyé aucune perte.
Toujours d'après le gouverneur, le groupe armé, "non encore identifié" mais composé de "dizaines" d'hommes, était "entré au Burundi" dans la nuit de lundi à mardi. Sur place, des habitants ont eux parlé de quelque 200 combattants.
"Les gens qui ont vu ce groupe ce matin disent qu'ils sont entrés au nombre d'environ 200, armés de fusils et de lance-roquettes", a expliqué par téléphone à l'AFP un enseignant de Murwi, localité frontalière par où sont entrés les combattants au Burundi.
Les affrontements, qui se sont par la suite déroulés dans la commune de Bugunda, ont été confirmés par le porte-parole de l'armée, le colonel Gaspard Baratuza.
Ce responsable militaire a reconnu que les combattants, que lui non plus n'était pas encore en mesure d'identifier, étaient entrés en nombre et a affirmé que ses hommes, partis à leur poursuite, avaient "installé des barrages un peu partout".
Des milliers de civils avaient plus tôt fui Bugunda pour se réfugier dans des localités voisines, selon des responsables administratifs locaux, qui avaient par ailleurs fait état de l'arrestation de plusieurs assaillants.
- La Kibira, ex-sanctuaire de rebelles -
Cette zone frontalière a été le théâtre depuis début 2014 de plusieurs incidents -toujours de moindre ampleur- impliquant des rebelles burundais en provenance de RDC.
Ces attaques, qui visaient généralement des positions de l'armée, avaient été systématiquement revendiquées par une branche dissidente des Forces nationales de libération (FNL, ex-rébellion hutu devenue parti d'opposition). Ce groupe a cette fois-ci nié toute implication.
Cette fois, les assaillants n'ont pas visé une position militaire, mais ils ont été interceptés, sur les indications de la population, alors qu'ils tentaient de rejoindre la forêt de la Kibira, plus en profondeur dans le centre-nord du pays, selon le porte-parole de l'armée.
La Kibira court sur les sommets de la crête Congo-Nil partageant le Burundi du nord au sud et a toujours servi de sanctuaire aux groupes armés pendant la guerre civile, en particulier à la guérilla hutu en lutte contre l'armée alors dominée par la minorité tutsi.
La recrudescence des violences armées à l'approche des élections prévues fin juin inquiète au Burundi.
L'histoire du petit pays d'Afrique des Grands Lacs est jalonnée de massacres ethniques entre majorité hutu et minorité tutsi, et le pays a connu une sanglante guerre civile entre 1993 et 2006. Les précédentes élections de 2010, boycottées par l'opposition, avaient débouché sur des violences.
L'inquiétude est d'autant plus vive que les tensions sont depuis plusieurs mois très fortes sur le plan politique.
Opposition et société civile, qui accusent l'actuel président Pierre Nkurunziza de chercher à briguer un troisième mandat de façon inconstitutionnelle, ne cessent de dénoncer le processus de préparation des élections.
La communauté internationale dénonce elle aussi régulièrement une hausse des restrictions de l'espace politique, des entraves aux libertés, et l'évincement, un à un, des opposants à l'approche des élections, accusant le président Nkurunziza -- qui s'en défend --, de chercher à faire le vide autour de lui pour rester au pouvoir.